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Refaire surface – Michael Wittassek et la (re)naissance de Vénus
« La photographie ne devient photographie que lorsqu‘elle atteint ses propres limites. Si la question de ce qu‘elle montre ne se pose plus – documentation ou fiction – , c’est de son point d‘intervention dans notre perception dont il s’agit : de quoi la photographie est-elle capable ? »
Au cours de sa résidence à L’être lieu, de septembre 2019 à mars 2020, Michael Wittassek a échangé avec les étudiants de l’option arts plastiques de la classe préparatoire littéraire du lycée Gambetta-Carnot, leur présentant ses réflexions sur la photographie, tout en les accompagnant dans leurs créations personnelles. Librement inspirées par la démarche de l’artiste, celles-ci ont pris la forme de multiples questionnements et explorations plastiques sur la matérialité photographique.
Michael Wittassek répète à l’envi qu’il travaille contre une conception de la photographie attachée à l’image et à sa valeur illusionniste, mais aussi contre sa prégnante bidimensionnalité. A cet effet, l’artiste crée une photographie amplifiée (1), expérimentant ainsi d’autres matérialités photographiques et plus particulièrement une photographie sculpturale qui a valeur de transmutation du médium. Depuis les années 1990, il déconstruit certains usages et fonctions assignées historiquement à la photographie: auto-réflexive dans ses captations et explorant ses confins matériels, elle ne semble renvoyer qu’à elle-même.
Michael Wittassek répète à l’envi qu’il travaille contre une conception de la photographie attachée à l’image et à sa valeur illusionniste, mais aussi contre sa prégnante bidimensionnalité. A cet effet, l’artiste crée une photographie amplifiée (1), expérimentant ainsi d’autres matérialités photographiques et plus particulièrement une photographie sculpturale qui a valeur de transmutation du médium. Depuis les années 1990, il déconstruit certains usages et fonctions assignées historiquement à la photographie: auto-réflexive dans ses captations et explorant ses confins matériels, elle ne semble renvoyer qu’à elle-même.
« Normalement, on ne voit pas la photographie, on entre dans une image. On voit une histoire, une représentation, une illusion… Si je casse l’illusion, qu’est-ce qu’il reste? » (2)
La photographie située, spatialisée
Michael Wittassek a créé spécifiquement pour l’espace d’exposition une installation photographique intitulée « refaire surface », qui prend en considération la nature industrielle du lieu et son architecture d’atelier. Suspendu à une poutre métallique centrale, cet accrochage photographique s’assimile à un rideau ouvert qui divise donc l’espace mais qui permet aux spectateurs de le traverser. L’installation se déploie dans l’espace, s’appuyant sur les éléments de l’architecture. Elle fait corps avec la salle, se greffe à ses piliers et ses structures.
L’intention première exprimée par l’artiste était de créer une situation que l'on retrouve souvent dans d'anciennes zones industrielles ou des chantiers : des ordures, papiers, sacs en plastique ou bâches sont emportés par le vent et sont brisés par des clôtures, des grilles ou des buissons. Il conçoit son installation comme l’interprétation de la notion d’éclat: fragment détaché soudainement d'un corps dur ou projeté par un corps qui se brise (3). Cette vision d’un chantier traversé par le vent, avec une action de déchirure, semble être la parabole de son propre rejet de l’image photographique. Mais la complexité d’un processus de création - la polysémie de l’oeuvre - ne se réduit à un unique récit.
Constituée de dix-neuf photographies, de 112 x 180 cm chacune, elles sont assemblées les unes aux autres par des vis et des écrous. De cet enchevêtrement photographique se détachent trois formes abstraites volumineuses – tangibles et tactiles – élancées et comme emportées par un mouvement, une dynamique ou des forces invisibles agissantes. De prime abord ces silhouettes ne rappellent rien d’identifiable. Mais en ronde-bosse, elles sont une invitation à être observées depuis d’autres points de vue, et en fonction des déplacements, d’en percevoir d’autres configurations formelles ou possiblement des anamorphoses. Ainsi, tourner autour de ces volumes constitue une nouvelle modalité de regarder la photographie.
L’intention première exprimée par l’artiste était de créer une situation que l'on retrouve souvent dans d'anciennes zones industrielles ou des chantiers : des ordures, papiers, sacs en plastique ou bâches sont emportés par le vent et sont brisés par des clôtures, des grilles ou des buissons. Il conçoit son installation comme l’interprétation de la notion d’éclat: fragment détaché soudainement d'un corps dur ou projeté par un corps qui se brise (3). Cette vision d’un chantier traversé par le vent, avec une action de déchirure, semble être la parabole de son propre rejet de l’image photographique. Mais la complexité d’un processus de création - la polysémie de l’oeuvre - ne se réduit à un unique récit.
Constituée de dix-neuf photographies, de 112 x 180 cm chacune, elles sont assemblées les unes aux autres par des vis et des écrous. De cet enchevêtrement photographique se détachent trois formes abstraites volumineuses – tangibles et tactiles – élancées et comme emportées par un mouvement, une dynamique ou des forces invisibles agissantes. De prime abord ces silhouettes ne rappellent rien d’identifiable. Mais en ronde-bosse, elles sont une invitation à être observées depuis d’autres points de vue, et en fonction des déplacements, d’en percevoir d’autres configurations formelles ou possiblement des anamorphoses. Ainsi, tourner autour de ces volumes constitue une nouvelle modalité de regarder la photographie.
Corporéité
Exposées comme des corps dans l’espace, leur forme organique inspire une idée de souplesse et de fluidité qui contraste avec la rigueur géométrique de l’architecture environnante. Certaines formes, à la stature humaine, évoquent des groupes de danseurs portés, élancés, d’autres sont en tension dans l’espace et risquent de chuter, comme les métaphores d’une chorégraphie. Aussi, dans les plis et replis de la matière pliée - écorchée-, la photographie s’apparente à une enveloppe charnelle traversée de veines, de cicatrices… Son dépliage est l’objet de l’énergie désirante de l’imagination (4) des corps que Daniel Arasse analyse à propos du Verrou (1777) de Fragonard : « L’angle satiné du drap évoque une cuisse et un genou habillés du même tissu que le jupon de la jeune fille. » (5)
Motifs du trouble
Si « une grande partie de l'histoire de la photo a été dominée par l'idée que le moment noble de la phase de production était la prise de vue » (6), le moment de l'enregistrement cède la place au traitement de la photographie (processing) chez Michael Wittassek. En dépassant la conception de la photographie comme image d’une vérité de l’instant, l’artiste recompose photographiquement quelque chose de plus proche de l’expérience phénoménologique. Les premières photographies de ce processus sont généralement ce qu’il appelle des « bêtises » : jeux de froissage, pliage, grattage… La seconde photographie vient saisir la trace de ces textures trafiquées. Ainsi, les photographies-photographiées de Michael Wittassek nous troublent: s'agit-il d'une image, d'un objet ou d'une illusion ? Le motif photographique crée pour cette installation est constitué de traces de révélateur dispersées, et dans ce registre fluide, tout semble encore en écoulement: l’image est nécessairement troublée. Cette série photographique, constituée de variations et de répétitions de ce motif, forme une unité par éclats. (7)
L’image latente de Vénus
« Ces nymphes, je les veux perpétuer.
Si clair,
Leur incarnat léger, qu’il voltige dans l’air
Assoupi de sommeils touffus (…)
Ô nymphes, regonflons des souvenirs divers. »
Si clair,
Leur incarnat léger, qu’il voltige dans l’air
Assoupi de sommeils touffus (…)
Ô nymphes, regonflons des souvenirs divers. »
Stéphane Mallarmé, L’Après-midi d’un faune (1865)
Mon intuition est de rapprocher l’installation de Michael Wittassek avec l’un des plus célèbres tableaux de la Renaissance italienne du Quattrocento: La naissance de Vénus, peint par Sandro Botticelli vers 1485, qui représente l’histoire de Vénus - Aphrodite, la déesse grecque - raconté par Hésiode dans sa Théogonie. L’oeuvre est composée en trois parties principales des personnages mythologiques. A gauche, Zéphyr, dieu du vent, est enlacé à Aura la personnification de la Brise. Ensemble, ils soufflent de l’air par leurs bouches en direction de Vénus au centre de la composition, sa silhouette est inspirée de l’antiquité avec son corps en contrapposto. A droite, l’Heure tend à la déesse son drapé fleuri.
Le souffle dirige donc l’action représentée de gauche à droite, conduisant l’embarcation divine (la coquille Saint-Jacques) vers le rivage. Ce souffle a de multiples fonctions (tensions) symboliques dans ce tableau, l’une concerne un possible dévoilement de cette Vénus pudique (Pudica) et donc sa mise à nu complète pourrait-on dire. Sa chevelure torsadée est prise au vent, elle tourbillonne et se démêle déjà. Une autre tension (fonction) correspond au voile tendu par Aura: le vent de Zéphyr pourrait le déchirer et redoubler l’impudique action imaginée, mais cette fois sur la terre ferme.
L’historien d’art Aby Warburg qualifie ces formes de « formules de mouvement » dans la peinture de la Renaissance, particulièrement florentine. Finalement, le chantier photographique soumis au vent, que Michael Wittassek évoque comme genèse de son installation, ne trouve-t-il pas de multiples résonances avec la grande machinerie du dévoilement de cette composition mythologique? Il y a une mise en mouvement commune de ces deux oeuvres: elles s’animent, se gonflent et s’empreintent de corps. L’artiste contemporain donne vie aux surfaces charnelles de ses photographies, il en sensibilise les drapés par des traces de révélateur qui s’écoulent sur la cartographie d’un papier froissé. Ce dripping photographique a été soufflé par l’artiste avec un geste comparable à celui de Zéphyr.
Le rapprochement de ces deux oeuvres pourrait se situer entre l’affect et la représentation que Freud théorise comme étant le principe psychique du « déplacement » et qu’il décrit dans L'Interprétation du rêve (1899). Ce déplacement est assimilable à la transposition d’une représentation inconsciente - sous une forme quelconque - pour prendre position dans le champ de la conscience: « Ce qui dans les pensées du rêve est visiblement le contenu essentiel n'a pas du tout besoin d'être représenté dans le rêve » écrit Freud. Cette formation inconsciente peut être rapprochée des abstractions photographiques de Michael Wittassek. Il y aurait donc dans son installation tout un matériel aspirant à la représentation sous de multiples effets de masquage (couches, plis, froissages…). En d’autres termes, l’oeuvre de Michael Wittassek serait prise d’une vision paréidolique qui en interroge la figuralité. Dans ce sens, son rejet manifeste de l’image photographique rejoint l’exigence platonicienne d’une image intérieure face aux « images sensibles ».
La question n’est pas de savoir si la photographie de Michael Wittassek imite, par une quelconque ressemblance ce qui serait visible chez Botticelli, mais si elle se situe au coeur même de la nature agissante et énergétique de cette peinture.
La question n’est pas de savoir si la photographie de Michael Wittassek imite, par une quelconque ressemblance ce qui serait visible chez Botticelli, mais si elle se situe au coeur même de la nature agissante et énergétique de cette peinture.
Tous les mouvements qui animent d’un souffle impalpable et invisible l’oeuvre de Michael Wittassek, nous les retrouvons dans La naissance de Vénus à travers la chevelure, les drapés, les vagues… Les effluves et les remous de l’eau de cette déesse sortit des eaux agitent – agissent – aussi à la surface du papier photographique dans l’oeuvre de Michael Wittassek. C’est aussi grâce à cette poésie du drapé, et à son dépliage de sens, que son oeuvre se soustrait à une analyse purement formaliste.
Historia
Un sens surgit donc par effraction dans l’installation de Michael Wittassek, il traverse le temps et les frontières esthétiques pour faire renaître un mythe au coeur de l’inquiétante étrangeté de ses photographies chiffonnées. Il y a donc un retour du refoulé: l’histoire (historia) antique renaît - s’anime - sous nos yeux. Elle refait surface, alors que son langage abstrait semblait l’exclure. Toutes ces collisions entre le passé et le présent, l’abstraction et le récit, sont ce qu’Aby Warburg nomme des « survivances » (Nachleben) (8).
« Et le vent était comme le regret de ce qui n'est plus, était comme l'anxiété des créatures non formées encore, chargé de souvenirs, gonflé de présages, fait d'âmes déchirées et d'ailes inutiles. » Gabriel D'Annunzio, Contemplation de la Mort, 1928 Calmann-Lévy, p. 116
Inversement, la figuration chez Botticelli nous confronte parfois à des formes impossibles à interpréter isolément, comme celle du drapé de l’Heure à droite. Petit paradigme de la tache : ce tissu se disloque dans l’espace. Il n’y a pas de mimesis possible d’une tache qui n’a pas de signe iconique. Aussi, rappelons l’histoire du mythe de Vénus: elle naît de l’écume, c’est à dire de l’informe.
Ainsi, par cette analyse inversée, nous remarquons que la vision de la peinture comme historia - représentation d'un sujet - ne permet pas d'interpréter tous les pans de la peinture de Botticelli, et inversement chez Michael Wittassek, ce qui en apparence ne représente rien, nous ouvre à d’autres figuralités.
Comme l’écrit Georges Didi-Huberman, il faudrait « prendre le risque de mettre, les uns à côté des autres, des bouts de choses survivantes, nécessairement hétérogènes et anachroniques puisque venant de lieux séparés et de temps disjoints par les lacunes. Or, ce risque a pour nom imagination et montage ». (9)
Le titre de son installation « refaire surface » fut choisi par Michael Wittassek à la suite d’un échange sur mon hypothèse de rapprocher et de comparer son oeuvre à La naissance de Vénus, l’artiste allemand semble cautionner par ce titre l’intuition selon laquelle des fantômes habitent ses oeuvres et qu’il nous est possible de les réveiller.
Ainsi, par cette analyse inversée, nous remarquons que la vision de la peinture comme historia - représentation d'un sujet - ne permet pas d'interpréter tous les pans de la peinture de Botticelli, et inversement chez Michael Wittassek, ce qui en apparence ne représente rien, nous ouvre à d’autres figuralités.
Comme l’écrit Georges Didi-Huberman, il faudrait « prendre le risque de mettre, les uns à côté des autres, des bouts de choses survivantes, nécessairement hétérogènes et anachroniques puisque venant de lieux séparés et de temps disjoints par les lacunes. Or, ce risque a pour nom imagination et montage ». (9)
Le titre de son installation « refaire surface » fut choisi par Michael Wittassek à la suite d’un échange sur mon hypothèse de rapprocher et de comparer son oeuvre à La naissance de Vénus, l’artiste allemand semble cautionner par ce titre l’intuition selon laquelle des fantômes habitent ses oeuvres et qu’il nous est possible de les réveiller.
1 Cette expression est théorisée par Michel Poivert dans son ouvrage La photographie contemporaine, Ed. Flammarion, 2002.
2 Propos de Michael Wittassek au cours d’un entretien pour un journal arrageois en janvier 2020.
3 Définition du dictionnaire Larousse.
4 « L’imagination est la reine des facultés (…) elle perçoit tout d’abord, en dehors des méthodes philosophiques, les rapports intimes et secrets des choses, les correspondances et les analogies » Baudelaire, Notes nouvelles sur Edgar Poe (1857)
5 Daniel Arasse, Le détail, Flammarion, 1992
6 Quentin Bajac, La photographie, pratiques contemporaines, Art press (hors-série), novembre 2019. p.9.
7 L’éclat en horticulture est un fragment de plante muni de racines et obtenu par le déchirement d'une touffe afin de donner naissance à une nouvelle plante.
8 « La Survivance est constituée de retours intempestifs de formes et de contenus, d’un véritable inconscient visuel où certains faits et éléments plastiques font figure de symptôme et font alors éclater le temps de la vie des images » Jacinto Lageira, « Georges Didi-Huberman, L’Image survivante : histoire de l’art et temps des fantômes selon Aby Warburg », Critique d’art [Online], 20 | Automne 2002
9 Georges Didi-Huberman, « L'image brûle », Penser par les images, autour des travaux de Georges Didi-Huberman, textes réunis par Laurent Zimmermann, Éditions Cécile Defaut, 2006, p. 24.
2 Propos de Michael Wittassek au cours d’un entretien pour un journal arrageois en janvier 2020.
3 Définition du dictionnaire Larousse.
4 « L’imagination est la reine des facultés (…) elle perçoit tout d’abord, en dehors des méthodes philosophiques, les rapports intimes et secrets des choses, les correspondances et les analogies » Baudelaire, Notes nouvelles sur Edgar Poe (1857)
5 Daniel Arasse, Le détail, Flammarion, 1992
6 Quentin Bajac, La photographie, pratiques contemporaines, Art press (hors-série), novembre 2019. p.9.
7 L’éclat en horticulture est un fragment de plante muni de racines et obtenu par le déchirement d'une touffe afin de donner naissance à une nouvelle plante.
8 « La Survivance est constituée de retours intempestifs de formes et de contenus, d’un véritable inconscient visuel où certains faits et éléments plastiques font figure de symptôme et font alors éclater le temps de la vie des images » Jacinto Lageira, « Georges Didi-Huberman, L’Image survivante : histoire de l’art et temps des fantômes selon Aby Warburg », Critique d’art [Online], 20 | Automne 2002
9 Georges Didi-Huberman, « L'image brûle », Penser par les images, autour des travaux de Georges Didi-Huberman, textes réunis par Laurent Zimmermann, Éditions Cécile Defaut, 2006, p. 24.
Grégory Fenoglio
Professeur d’arts plastiques en CPGE, Cité scolaire Gambetta-Carnot, Arras
texte du journal L’être lieu N°12, Mars 2020, p. 4
Professeur d’arts plastiques en CPGE, Cité scolaire Gambetta-Carnot, Arras
texte du journal L’être lieu N°12, Mars 2020, p. 4
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Refaire surface – Michael Wittassek und die (Wieder-)Geburt der Venus
Die Fotografie wird erst da ganz und gar Fotografie, wo sie an ihre Grenze stößt. Wenn es nicht mehr um die Frage geht, was sie abbildet – Dokumentation oder Fiktion – sondern, wenn sie in unsere Wahrnehmung eingreift und es darum geht: „Wozu ist diese Fotografie fähig“?
Im Rahmen seiner Résidence bei L'être lieu von September 2019 bis März 2020 vermittelte Michael Wittassek den Studenten der Bildenden Kunst – Classe Préparatoire Littéraire, Lycée Gambetta-Carnot, Arras – sein Denken über Fotografie, und begleitete sie in ihrem persönlichen Schaffen. Inspiriert von seinem Vorgehen und einer Vielzahl sich daraus stellender Fragen, entwickelten sie eigenständige Arbeiten zur fotografischen Materialität.
Michael Wittassek wiederholte immer wieder, dass er gegen eine illusionistische Fotografie aber auch gegen eine sie prägende Zweidimensionalität arbeitet. Zu diesem Zweck bedient sich der Künstler einer „erweiterten Fotografie“ (photographie amplifiée) (1), experimentiert also mit anderen fotografischen Elementen genauer gesagt mit einer skulpturalen Form der Fotografie, die die Fähigkeit haben, das Medium zu verändern. Seit den 1990er Jahren dekonstruiert er bestimmte Gebrauchsformen und Funktionen, die der Fotografie historisch zugeschrieben werden: selbstreflexiv in ihren Aufnahmen und die materiellen Grenzen erkundend, scheint die Fotografie sich nur auf sich selbst zu beziehen.
Normalerweise sieht man nicht das Foto, man tritt in das Bild ein. Man sieht eine Geschichte, eine Darstellung, eine Illusion ... Wenn ich die Illusion zerstöre, was bleibt dann übrig? (2)
Eine verortete, in den Raum gesetzte Fotografie
Michael Wittassek hat speziell für den Ausstellungsraum eine Fotoinstallation mit dem Titel „refaire surface“ geschaffen, die den industriellen Charakter des Raumes, eine ehemalige Werkstätte, berücksichtigt. An einem zentralen Metallbalken aufgehängt, erinnert diese Hängung an einen offenen Vorhang, der den Raum teilt, aber für den Betrachter durchlässig ist. Die Installation öffnet sich dem Raum und orientiert sich an den Elementen der Architektur. Sie wird Eins mit dem Saal, umrankt seine Pfeiler und Strukturen.
Die erste Intention des Künstler war es, eine Situation zu schaffen, wie man sie oft in Industriebrachen oder auf Baustellen findet: Abfälle, Papier, Plastiksäcke oder Planen durch den Wind verteilt, haben sich an Zäunen, Absperrungen und Gebüschen festgehakt. Er versteht seine Installation als Interpretation des Wortes éclat: fragment détaché soudainement d'un corps dur ou projeté par un corps qui se brise (3) (Ein Teil, das sich plötzlich von einem festen Gegenstand gelöst hat oder durch einen geworfenen Gegenstand zerbrochen wird). Die Vorstellung einer vom Wind durchfegten Baustelle, der eine Bresche schlägt, scheint wie eine Parabel seiner Ablehnung gegenüber des fotografischen Bildes zu sein. Aber die Komplexität eines kreativen Prozesses - die Polysemie des Werkes - lässt sich nicht auf eine einzige Erzählung reduzieren.
Aus neunzehn Fotografien bestehend, jeweils 112 x 180 cm, werden sie mit Schrauben und Muttern zusammengehalten. Aus diesem fotografischen Gewirr ragen drei voluminöse abstrakte Formen heraus, greif- und erlebbar, um scheinbar von einer Bewegung mitgerissen zu werden, ein Kräftespiel, von unsichtbarer Hand angetrieben. Auf den ersten Blick erinnern diese Silhouetten an nichts Identifizierbares. Aber als Skulptur sind sie eine Einladung, aus mehreren Blickwinkeln wahrgenommen zu werden und, je nach Bewegung, andere formale Konfigurationen oder mögliche Anamorphosen zu entdecken. Diese Skulptur zu umrunden heißt aber auch, eine neue Sichtweise auf die Fotografie zu konstituieren.
Aus neunzehn Fotografien bestehend, jeweils 112 x 180 cm, werden sie mit Schrauben und Muttern zusammengehalten. Aus diesem fotografischen Gewirr ragen drei voluminöse abstrakte Formen heraus, greif- und erlebbar, um scheinbar von einer Bewegung mitgerissen zu werden, ein Kräftespiel, von unsichtbarer Hand angetrieben. Auf den ersten Blick erinnern diese Silhouetten an nichts Identifizierbares. Aber als Skulptur sind sie eine Einladung, aus mehreren Blickwinkeln wahrgenommen zu werden und, je nach Bewegung, andere formale Konfigurationen oder mögliche Anamorphosen zu entdecken. Diese Skulptur zu umrunden heißt aber auch, eine neue Sichtweise auf die Fotografie zu konstituieren.
Körperlichkeit
Als Körper im Raum ausgestellt, inspiriert ihre organische Form eine Idee von Beweglichkeit und Geschmeidigkeit, die mit der geometrischen Strenge der umgebenden Architektur kontrastiert. Einige Formen mit menschlicher Statur erinnern an Tänzer, schlank, andere stehen unter Spannung im Raum und drohen zu stürzen, wie die Metaphorik einer Choreographie. Auch in ihren Falten und Faltungen des gefalteten – gehäuteten – Materials ähnelt die Fotografie einer fleischlichen Hülle, von Adern durchzogen, mit Narben versehen … Sie ist Objekt der begehrenden Energie der Vorstellungskraft (4) des Körper, wie Daniel Arasse anlässlich des Werkes Verrou (1777) von Fragonard schreibt: „Das seidene Laken erinnert an einen Oberschenkel und ein Knie, die mit dem gleichen Stoff wie der Rock des Mädchens bekleidet sind“ (5)
Motiv der Unruhe
Wenn „ein Großteil der Geschichte der Fotografie von der Idee dominiert wurde, dass der Moment der Aufnahme des Bildes ihr ehrenhaftester ist“ (6), so weicht der „Moment der Aufnahme“ bei Michael Wittassek dem der „Bearbeitung (processing) der Fotografie“. Indem der Künstler über die Konzeption einer Fotografie als Bild der Wahrheit des Augenblicks hinausgeht, formuliert er fotografisch etwas, was einer phänomenologischen Erfahrung näher kommt. Die ersten Fotografien dieses Prozesses sind im Allgemeinen das, was er als „Unsinn“ bezeichnet: Ein Spiel mit Knicken, Falten, Kratzern ... Die zweite Fotografie hält diese Spur der Bearbeitungen fest. So verstören uns seine Fotografien: Ist es ein Bild, ein Objekt oder eine Illusion? Das für diese Installation geschaffene fotografische Motiv besteht aus verlaufenen Spuren des Entwicklers, und in diesem flüssigen Inventarium scheint alles noch zu fließen: Das Bild ist zwangsläufig gestört. Diese fotografische Serie, die aus Variationen und Wiederholungen eines Motivs besteht, bildet eine Einheit durch Fragmente (éclats) (7).
Das latente Bild der Vénus
Die Nymphen hier, ich will, dass sie mir bleiben.
Duft
von rosa Inkarnat durchflimmert diese Luft,
die dumpfer Schlaf betäubt. (…)
O Nymphen, schwelgen wir in der Erinnerung Schau.
Duft
von rosa Inkarnat durchflimmert diese Luft,
die dumpfer Schlaf betäubt. (…)
O Nymphen, schwelgen wir in der Erinnerung Schau.
Stéphane Mallarmé, L’Après-midi d’un faune / Der Nachmittag eines Fauns (1865)
Meine Intuition ist es, die Installation von Michael Wittassek mit einem der berühmtesten italienischen Renaissance-Gemälde des Quattrocento zu vergleichen: Die Geburt der Venus, gemalt von Sandro Botticelli um 1485, welches die Geschichte der Venus – die griechische Göttin Aphrodite – darstellt, die Hesiod in seiner Theogonie erzählt. Die Komposition des Werkes, in drei Hauptteile gegliedert, ist mit Figuren aus der Mythologie gestaltet. Auf der linken Seite wird Zephyr, der Gott des Windes, von Aura, der Personifizierung der Lüfte, umschlungen. Gemeinsam blasen sie Wind in Richtung Venus, mittig in der Komposition platziert. Ihre Silhouette ist von der Antike inspiriert, wobei ihr Körper als Contrapposto gehalten ist. Rechts hält die „Zeit“ der Göttin ihr blumiges Tuch hin.
So dirigiert der Atem die dargestellte Handlung von links nach rechts und führt das göttliche Boot (die Jakobsmuschel) zum Ufer. Der Atem hat in diesem Gemälde mehrere symbolische Funktionen (Kompositionslinien), eine betrifft eine mögliche Enthüllung dieser „keuschen“ Venus (Pudica) und so könnte man sagen, dient ihrer vollständigen Enthüllung. Ihr zerzaustes Haar ist dem Wind ausgesetzt, es wirbelt und entwirrt sich bereits. Eine andere Kompositionslinie entspricht dem von Aura ausgebreiteten Schleier: Der Wind Zephyrs könnte ihn zerreißen und – so die Vorstellung – die unzüchtige Aktion wiederholen, aber diesmal auf festem Boden.
Der Kunsthistoriker Aby Warburg charakterisiert diese Formen in der Malerei der Renaissance, insbesondere der Florentiner Malerei, als „Bewegungsformeln“. Findet nicht schließlich das dem Wind ausgesetzte „Gelände“, das Michael Wittassek als „Urbild“ für seine fotografische Installation anspricht, nicht vielfältige Anklänge an die großen Maschinerie der Enthüllung dieser mythologischen Komposition? Es gibt eine Gemeinsamkeit dieser beiden Werke: sie sind bewegt, aufgeblasen und von einer Körperlichkeit geprägt. Der zeitgenössische Künstler erweckt die körperlichen Oberflächen seiner Fotografien zum Leben, die Faltenwürfe werden durch Entwicklerspuren fassbar, welche sich über eine Kartografie zerknitterten Papiers ergießen. Dieses fotografische „Dripping“ wurde vom Künstler auf das Papier getrieben, vergleichbar der Geste des Zéphyr.
Die Verbindung dieser beiden Werke könnte zwischen dem Affekt und der Darstellung liegen, die Freud als das psychische Prinzip der „Verdrängung“ theoretisiert und die er in Die Deutung des Traums (1899) beschreibt. Diese Verschiebung ist vergleichbar mit der Übertragung einer unbewussten Darstellung – in welcher Form auch immer –, um sich auf dem Feld des Bewusstsein zu positionieren: „Was in den Gedanken des Traumes sichtbar der wesentliche Inhalt ist, braucht im Traum überhaupt nicht dargestellt zu werden.“ so Freud. Diese unbewusste Formatierung kann mit den fotografischen Abstraktionen von Michael Wittassek in Zusammenhang gebracht werden. Seine Installation scheint von Andeutungen zu leben – unter mehrfachen Effekten des Verschleierns (Schichten, Falten, Zerknittern…), die zu einer Gegenständlichkeit streben. Anders ausgedrückt, könnte die Arbeit Michael Wittassek Pareidolien liefern, die hier eine Figurativität hinterfragen. In diesem Sinne entspricht seine offenkundige Ablehnung des fotografischen Bildes der platonischen Forderung nach einem inneren Bild im Gegensatz zu „wahrgenommenen Bildern“. Die Frage ist nicht, ob seine Fotografien imitieren, was auch immer auf dem Bild Botticelli zu sehen sein möge, sondern ob sie im Herzen selbst der aktiven und vitalen Natur dieses Gemäldes liegen.
All die Bewegungen, die das Werk von Michael Wittassek mit einem ungreifbaren und unsichtbaren Atem beleben, finden wir im Bild Die Geburt der Venus in Form von Haaren, Vorhängen und Wellen wieder … Die Strudel und Turbulenzen des Meeres, einer Göttin, die aus dem Wasser kommend, wirbeln – agieren – auch auf der Oberfläche des Fotopapiers im Werk Michael Wittasseks. Es ist auch dieser Poesie des Drapierens und ihrer Bedeutungsentfaltung zu verdanken, dass sich sein Werk einer rein formalistischen Analyse entzieht.
Historia
Ein Sinn bricht in der Installation Wittasseks durch, der Zeit und ästhetische Grenzen überschreitet, um einen Mythos wieder aufleben zu lassen, der im Zentrum der verstörenden Fremdheit seiner zerknitterten Fotografien steht. Es gibt also ein Wiederauftauchen des Verdrängten: Die antike Geschichte (historia) wird wieder geboren – wird lebendig – vor unseren Augen. Sie tauchte wieder auf (refait surface), obwohl ihre abstrakte Sprache sie auszuschließen schien. All diese Kollisionen zwischen Vergangenheit und Gegenwart, Abstraktion und Erzählung sind das, was Aby Warburg als Nachleben (8) bezeichnet.
Und der Wind war wie das Bedauern über das, was nicht mehr ist, war wie die Angst der noch ungeformten Geschöpfe, beladen mit Erinnerungen, angeschwollen mit Ahnungen, gebildet aus zerrissenen Seelen und nutzlosen Flügeln, Gabriel D'Annunzio, Contemplation de la Mort, 1928 Calmann-Lévy, p. 116.
Umgekehrt konfrontiert uns Botticellis Figuration mit Formen, die isoliert nicht interpretierbar sind, wie zum Beispiel die Draperie der „Zeit“ rechts im Bild. Kleines Paradigma des Klecks: Dieses Gewebe verformt sich im Raum. Es ist unmöglich, einen Klecks zu imitieren, ohne dass er zum Zeichen wird, er besitzt immer eine Mimesis. Erinnern wir uns auch an den Mythos der Venus: Die aus dem Schaum, d.h. aus dem Formlosen geborene.
So stellen wir durch diese umgekehrte Analyse fest, dass die Auffassung der Malerei als Historia – die Repräsentation eines Themas – es uns nicht erlaubt, alle Einzelheiten der Malerei Botticellis zu interpretieren, und umgekehrt eröffnet uns das Werk von Michael Wittassek, das scheinbar nichts darstellt, diverse mögliche Repräsentationen.
Wie Georges Didi-Huberman schreibt, sollten wir „das Risiko eingehen, Fragmente der überlebenden Dinge (des Nachlebens) nebeneinander zu stellen, die notwendigerweise heterogen und anachronistisch sind, da sie von unterschiedlichen Orten und aus durch Lücken getrennten Zeiten kommen. Dieses Risiko wird Vorstellungskraft und Montage genannt“ (9)
Der von Michael Wittassek gewählte Titel refaire surface war Ergebnis eines Austausches über meine Hypothese, sein Werk mit Der Geburt der Venus zu vergleichen und gegenüberzustellen. Mit diesem Titel scheint der deutsche Künstler die Intuition zu bestätigen, dass Phantome seinen Werken innewohnen und es uns möglich ist, sie zu erwecken.
So stellen wir durch diese umgekehrte Analyse fest, dass die Auffassung der Malerei als Historia – die Repräsentation eines Themas – es uns nicht erlaubt, alle Einzelheiten der Malerei Botticellis zu interpretieren, und umgekehrt eröffnet uns das Werk von Michael Wittassek, das scheinbar nichts darstellt, diverse mögliche Repräsentationen.
Wie Georges Didi-Huberman schreibt, sollten wir „das Risiko eingehen, Fragmente der überlebenden Dinge (des Nachlebens) nebeneinander zu stellen, die notwendigerweise heterogen und anachronistisch sind, da sie von unterschiedlichen Orten und aus durch Lücken getrennten Zeiten kommen. Dieses Risiko wird Vorstellungskraft und Montage genannt“ (9)
Der von Michael Wittassek gewählte Titel refaire surface war Ergebnis eines Austausches über meine Hypothese, sein Werk mit Der Geburt der Venus zu vergleichen und gegenüberzustellen. Mit diesem Titel scheint der deutsche Künstler die Intuition zu bestätigen, dass Phantome seinen Werken innewohnen und es uns möglich ist, sie zu erwecken.
1 Dieser Begriff wurde von Michel Poivert theoretisiert, in La photographie contemporaine, Ed. Flammarion, 2002.
2 Zitat von Michael Wittassek, anlässlich eines Interviews geführt für einer Zeitung in Arras, Januar 2020.
3 Definition aus dem Wörterbuch: Larousse.
4 „Die Phantasie ist die Königin der Talente (...) sie nimmt mit Methoden der Philosophie vor allem die intimen und geheimen Beziehungen der Dinge, die Entsprechungen und Analogien wahr“ Baudelaire, Anmerkungen über Edgar Poe (1857)
5 Daniel Arasse, Le détail, Flammarion, 1992
6 Quentin Bajac, La photographie, pratiques contemporaines, Art press (hors-série), novembre 2019. p.9.
7 L’éclat (der Splitter) ist ein Pflanzenfragment mit Wurzeln, das durch Teilung eines Büschels gewonnen wird, um neue Pflanzen zu züchten.
8 „Das Nachleben besteht in der unvorhergesehenen Wiederkehr von Formen und Inhalten, in einem wahren visuellen Unbewussten, in dem bestimmte Faktoren und plastische Elemente Symptome bilden und die Zeit der Bilder durcheinander bringen.“ Jacinto Lageira, « Georges Didi-Huberman, L’Image survivante : histoire de l’art et temps des fantômes selon Aby Warburg », Critique d’art [Online], 20 | Automne 2002
9 Georges Didi-Huberman, « L'image brûle », Penser par les images, autour des travaux de Georges Didi-Huberman, textes réunis par Laurent Zimmermann, Éditions Cécile Defaut, 2006, p. 24.
2 Zitat von Michael Wittassek, anlässlich eines Interviews geführt für einer Zeitung in Arras, Januar 2020.
3 Definition aus dem Wörterbuch: Larousse.
4 „Die Phantasie ist die Königin der Talente (...) sie nimmt mit Methoden der Philosophie vor allem die intimen und geheimen Beziehungen der Dinge, die Entsprechungen und Analogien wahr“ Baudelaire, Anmerkungen über Edgar Poe (1857)
5 Daniel Arasse, Le détail, Flammarion, 1992
6 Quentin Bajac, La photographie, pratiques contemporaines, Art press (hors-série), novembre 2019. p.9.
7 L’éclat (der Splitter) ist ein Pflanzenfragment mit Wurzeln, das durch Teilung eines Büschels gewonnen wird, um neue Pflanzen zu züchten.
8 „Das Nachleben besteht in der unvorhergesehenen Wiederkehr von Formen und Inhalten, in einem wahren visuellen Unbewussten, in dem bestimmte Faktoren und plastische Elemente Symptome bilden und die Zeit der Bilder durcheinander bringen.“ Jacinto Lageira, « Georges Didi-Huberman, L’Image survivante : histoire de l’art et temps des fantômes selon Aby Warburg », Critique d’art [Online], 20 | Automne 2002
9 Georges Didi-Huberman, « L'image brûle », Penser par les images, autour des travaux de Georges Didi-Huberman, textes réunis par Laurent Zimmermann, Éditions Cécile Defaut, 2006, p. 24.